11 et 12 mai 2013
"Les Chemins du Soleil" – Raid Elite – Récit d’un bovinage en règle !
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Décembre 2012 :
Je cogite dans mon coin à comment je souhaite organiser ma
saison vtt. Que faire comme courses ? Quand ? De quoi ai-je envie ? J’ai déjà
quelques réponses. Je sais que je vais faire du XC avec la création de la DN3.
Je me donne une saison « pour voir ». Je sais aussi que je ferai les offroad.
Là, je connais et c’est déjà plus dans ma vision du vtt. J’ai aussi quelques
raids auxquels j’aimerai participer (Garoutade, Terres noires ? Granit
Montana…). Cependant, il manque une course. Il manque LA course. Celle qui va
marquer ma saison. Depuis 3 ans, ma course c’est la TransV. Cette année, pour
des raisons professionnelles (vache, ça fait sérieux…) ça tombe mal. Très vite,
je pense à « Val-Gap ». Déjà faite en 2008 avec Olivier, j’en garde un très bon
souvenir.
Voilà, LA course est choisie. Reste maintenant à trouver un
équipier digne de ce nom. Très vite je perverti Thomas. Il signe sans se poser
de questions (c’est ce qu’on demande à un bon équipier…). Le pauvre ne sait pas
dans quoi il vient de s’engager !!!
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Janvier – Mai :
J’ai du temps, j’ai l’envie….je fissure pas mal de courses,
souvent dans le sud…souvent dans la boue. Avec Thomas, on se colle aussi des
bonnes séances à l’ancienne au PDD et dans nos volcans. « Fissurage volcanique »
nous voilà ! La forme monte, plutôt bien. Bref, début mai je me sens prêt.
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Vendredi 10 mai 2013 :
Nous arrivons à La Motte Chalençon (26) avec Thomas, Gildas,
Franck et Stéphanie notre « môman assistante ». Au passage, un très grand merci
à la frangine à Franck qui nous dépanne bien en prêtant sa voiture. 18h, retrait
des dossards. En cadeau, une gourde, du savon et une dose de caféïne…. Pffff
nawak ! On file au camping, on mange des pâtes et on raconte des boutades !
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Samedi 11 mai – 8H : Etape 1
La-Motte-Chalençon – Serres : 64km/+2771m
Nous y voilà. On prend un départ plutôt bof car pas
idéalement placés sur la ligne. Ca part sur du chemin large puis on arrive vite
sur du bitume. J’accélère pour coller à la tête de course mais je vois que
Thomas a du mal à mettre en marche. Il recolle et on attaque une première
montée. J’essaye de rouler de sorte que Thom’ soit toujours dans la roue. Très
vite la montée devient un sentier où tous les gars poussent alors que ça passe
facile à vélo. On commence déjà à perdre du temps. En descente, idem, ça
bouchonne. Par chance (enfin….pas sûr), la descente se termine sur large chemin
où on peut doubler.
Vient alors une deuxième bosse plus longue. On vient de
passer le premier ravito. On a fait 15km. Je veux qu’on se replace au mieux mais
très vite je comprends que mon pauvre Thomas n’est pas du tout dans son
assiette. Le pauvre est vraiment mal. Pas possible de suivre mon rythme, même
quand je roule que très moyennement vite. Je lui dis de s’accrocher mais, rien à
faire. Sur le coup, j’ai un peu les boules. Je sens que j’ai vraiment la patate
et je me sens impuissant pour aider Thom’. Ce sentiment s’efface vite pour
laisser place à de l’inquiétude. En fait Thom’ me fait flipper. Il est vraiment
pâle, tout blanc et on voit qu’il souffre. Je le rassure comme je peux. J’évite
les grosses blagues que je lui aurais volontiers faites à l’entrainement.
5h40’ de souffrance avant de passer la ligne. Difficile
première étape. De mon côté, je suis frustré par l’étape en elle-même. Belle
jusqu’au 30ème kilomètre puis franchement nulle pour la suite. Imaginez-vous une
bosse de +700m sur une piste interminable pour ensuite faire une descente de
-500m entièrement sur route !!! WTF !!! On fait du vtt là ??? Idem pour la
dernière montée, longue, difficile pour ensuite terminer l’étape sur une large
piste en descente pendant plusieurs km ! Très loin, vraiment très loin de ce que
j’avais fait en 2008.
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Samedi 11 mai – 21H30 :
Etape 2
Serres – Serres : 38km/+1226m
Départ nocturne. Ca part très vite sur une piste plate
pendant 3km. Thomas semble bien mieux. On avance bien malgré une petite erreur
de navigation qui nous fait perdre (momentanément) une vingtaine de places.
L’étape consiste en une longue montée de +800m et un final avec un col sur route
de +200m et des petits coups de cul. Jusqu’en haut de la longue bosse, on
grappille des places. J’impose le rythme et Thom’ s’accroche. Je roule en
dessous de ce que j’espérais mais ce n’est pas grave, l’essentiel c’est que
Thomas suive. Il me fait une meilleure impression que ce matin. Meilleure mine
et il est un peu plus causant.
On se jette dans une longue descente. Le haut est superbe, en sous bois de nuit
avec pas mal de virages en pif-paf. La fin est immonde, dans des bourbiers
délicats à passer où on pourri le matos. On rejoint alors une route pour ne plus
la quitter pendant bien 5-6km d’affilé ! Je sens que mon Thom’ baisse de régime…ayé,
plus d’essence ! Il reste environ 20km que l’on va faire difficilement. Je le
pousse dans la montée du col sur route. Je lui dis de s’accrocher, que plus tôt
on rentre et plut tôt on dormira. C’est très dur, je sens qu’il souffre encore.
On passe la ligne en un peu moins de 3h. On fait une place
correcte. Au passage l’organisation contrôle que l’on dispose bien du matos
obligatoire. RAS, tout est ok pour nous.
1h du matin, on se met dans la tente.
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Dimanche 12 mai –
21H30 : Etape 3
Serres – Gap : 69km/+2482m
Réveil à 5h. Que c’est dur ! Départ d’étape à 6h30. On a
dormi à peine plus de 4h.
L’étape part moins vite. Aussitôt les premiers mètres Franck et Gildas nous
passent. Ils nous mettent la pression. Thomas s’accroche mais je crois qu’il est
dans le dur dès le départ. Les équipes mixtes nous passent. C’est dur pour le
moral. J’ai les boules mais c’est comme ça. Je n’en veux pas à Thom’. Je sais
que dans son état, 99% des gens auraient bâché. Thom’, il continue. Il en chie
grave, il s’en veut, il souffre mais il roule. Le garçon a un gros mental et
c’est bien pour ça que j’ai pensé à lui pour ce raid. Je continue à l’encourager
régulièrement. Sur la première montée (la même que la nuit), il reprend un peu
de niak. On voit « XC63 les vieilles carnes » devant nous en point de mire.
Pendant une dizaine de kilomètres on lutte pour revenir sur eux. En tant normal
on serait rentré en moins d’un kilomètre, j’en suis persuadé.
Au pied de la deuxième bosse on a recollé. Vient alors la
difficulté du raid. Un portage infâme de +650 d’une traite. Il se fait sur un
large chemin, très raid et défoncé, en sous-bois. On ne peut pas voir l’objectif
ni la progression. Aucune vue, rien ! C’est inintéressant au possible et
mentalement, c’est rude. Je prends des longueurs d’avance sur Thom’. Au sommet,
je l’attends un petit peu. Gildas s’est intercalé entre nous deux. Il part seul
pour la descente sachant que Franck le rattrapera. Thomas arrive, je le booste
un peu et on engage la descente. On descend correctement, Thom’ suit.
Une longue liaison en faux-plat montant se fait alors dans
des pâturages gorgés d’eau et de boue. C’est dur physiquement. Thomas me fait
alors la deuxième frayeur du raid. Il s’arrête net, écrasé sur son vélo, à bout
de force. Les équipes mixtes du matin nous repassent devant. On attend un petit
moment. Je le laisse reprendre sans lui parler. Volontairement, j’abrège la
situation. J’ai peur que si je le laisse trop longtemps ainsi il se démobilise
complètement : « Allez Thom’, faut y aller grand ! Allez, un repart. Allez
Thom’, accroche-toi ! Accroche-toi Thom’ ! ». Les équipes qui nous passent
hallucinent en voyant Thomas. Un gars me glisse même un « bon courage » d’un air
bien désolé. Le gamin me regarde, termine de manger sa barre de céréale et il
reprend son vélo. On pousse une dizaine de minutes. Il s’accroche. Il m’épate.
Je me dis qu’il est vraiment fort dans sa tête. C’est indiscutablement un des
plus beaux moments du raid. On enquille une longue descente, très jolie cette
fois-ci pour ensuite rejoindre le ravito où on retrouve les vieux roses !
On prend le temps de s’alimenter et on repart, sur route
pendant bien 5km…pfff. Nouvelle montée, nouveau portage d’une quinzaine de
minutes dans des terres noires en plein soleil. Je monte avec les anciens. Thom’
est juste derrière, il arrive avec une minute de retard. On se met donc en
chasse de Gildas et Franck. Il reste +300m de d+ avant Gap. On aura droit à une
autre belle descente où je m’applique pour prendre les bonnes trajectoires. On
descend vite et Thomas et mieux. Il suit sans trop de mal. Hélas, une fois en
bas on a de nouveau le droit à bien 4-5km de route. On perd du temps, je pousse
Thom’.
Avant dernière bosse, portage de 10’. Je passe le bas à vélo pour le spectacle
après que le signaleur m’ai dit : « ici, ça porte. Pas la peine, ça ne passe pas
à vélo »….oui oui, t’es mignon ! Une fois à son niveau il me dira quand même «
wouah bravo, tu es le seul que j’ai vu passer cet endroit sur le vélo ». Thomas
est derrière, il pousse. De nouveau, on porte pendant presque 10’. On rattrape
même presque une équipe avec qui on joue au chat et à la souris depuis le début
du raid. J’entends le mec dire à son équipier : « vache, tu as vu ils sont quand
même revenus ! ». Et oui, eux aussi avez vu Thom’ écrasé sur le cadre de son
vélo et avez du se dire que c’était terminé pour nous. Au sommet, il nous en
manque un peu pour qu’on les rejoigne. On fait une descente dans un ruisseau
boueux puis arrive la dernière bosse du raid. +100m sur une route. On voit
l’équipe devant nous. Je dis à Thomas qu’on se doit de les fissurer ! Merde, on
se fait fissurer depuis des heures, on ne va pas laisser passer ça !
Ni une, ni deux, Thom’ va chercher je ne sais où ses
dernières ressources. Je le pousse à mon maximum dans la bosse, un coup avec le
bras gauche, un coup avec le droit…on revient sur eux. Dernier virage à droite,
un raidard de 50m à passer, Thom’ monte assis sur la selle pour ne pas cramper,
on fissure grave de chez grave et on passe un des deux équipiers ! L’autre est
fou, il se jette dans la dernière descente devant Thomas mais, c’est trop tard
pour lui ! Thomas le passe en descente, d’une manière peut-être pas tout à fait
académique mais bon…après +6500m de d+ on a le droit ! Je le passe à mon tour,
200m à faire, la dernière balise à pointer est en vue…Biiiiiip….C’est terminé
!!!
Ouf !
On se regarde, les yeux brillent, on sait qu’on vient d’en
faire une belle ! Merci Thomas !
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Gap – Arrivée :
Après 175km/+6500m, 13h20’ de vtt (enfin pas
toujours), nous y sommes. On se place 13ème sur 67 équipes au
départ. Gildas et Franck terminent 16ème à quelques minutes. Ce n’est pas
passé loin. La place n’est pas celle que j’espérais dans ma tête mais,
compte-tenu de la situation, je trouve qu’elle est très belle. Acquise dans le
dur, dans l’effort, dans la solidarité et l’amitié elle n’a que plus de valeur.
Côté parcours, je suis déçu. Trop de pistes, trop de route,
beaucoup trop de route. Trop peu de sentiers sympas. Dommage. Autant j’ai envie
d’y retourner pour « venger » cette place et fissurer quelques équipes bien trop
arrogantes, autant j’ai peur d’y être à nouveau déçu du parcours. Franck
m’assure pourtant que l’an passé, c’était très beau (écho que j’avais aussi
entendu de la part de copains qui l’avait fait également). Bref, TransV ou
Val-Gap, un an pour en décider !
Quelques clichés pour illustrer...